La loi dite de « Sécurité Globale », examinée à partir du 17 novembre, vise à « intégrer plus directement l’ensemble des acteurs de la sécurité et de la sûreté autour d’un continuum de sécurité » afin de faire face aux « nouveaux défis à relever pour la sécurité des français. ». Après 32 lois sur la délinquance et 16 lois sur le terrorisme en 30 ans, cette prétention à produire une loi globale sur la sécurité feraient sourire si les dispositions ne menaçaient pas plusieurs droits fondamentaux.

Ce texte suscite une levée de boucliers de la part des associations de défense des droits de l’homme. Les très contestées restrictions envisagées à la diffusion d’images des agents des forces de sécurité dans l’exercice de leur fonction, inscrites à l’article 24, ne sont en effet qu’une des facettes de ce texte.

Cent cinq associations, syndicats ont signé, dont la FSU, le 12 novembre, un appel intitulé « contre la loi Sécurité globale, défendons le droit de manifester ». La FSU a clairement pris position contre cette dérive étatique et demande l’abandon de ce projet de loi. Il en va de notre conception des libertés fondamentales et du fonctionnement de la démocratie.

 Décryptage

1 : Police Municipale : de nouveaux pouvoirs

On y trouve également des dispositions pour renforcer les pouvoirs des polices municipales et des agents de sécurité privés, autoriser l’utilisation de drones, étendre et optimiser l’usage des caméras-piétons portées par les policiers lors des interventions, permettre ces derniers de conserver leurs armes, quand ils ne sont plus en service, y compris dans les lieux accueillant du public. Ce texte brasse large, trop même pour ne pas être suspect.

2 : Sécurité privée : des conditions d’embauche durcies

Dans son 2nd titre, composé de 22 articles, la proposition de loi s’attache à mieux structurer et encadrer le secteur de la sécurité privée. Dans ces dispositions censées moraliser ce secteur, l’article 10 exclut des métiers de la sécurité les étrangers détenteurs d’un titre de séjour de moins de 5 ans ; un point contesté par la Défenseure des droits.

3 : Vidéosurveillance et images

Le titre suivant consacré à la vidéoprotection » et à la « captation d’images » est problématique. L’article 20 permet aux agents des polices municipales d’exploiter les images de vidéosurveillance. L’article 21 autorise la transmission en direct des images des caméras-piétons, et l’accès des personnels à leurs propres enregistrements, alors qu’en 2016 la CNIL considérait que l’interdiction de cet accès était « une garantie essentielle ». Il permet en outre l’utilisation de ces images pour « l’information du public sur les circonstances de l’intervention » sans égard pour l’identité des contrevenants, ni pour le secret de l’instruction.

4 : Généralisation utilisation des Drones

L’article 22 encadre l’utilisation des drones possédés par les forces de sécurité nationale. Les amendements de protection visant à interdire le sous-traitement de l’exploitation de leurs images, les traitements de reconnaissance faciale, l’observation des domiciles ou immeubles et espaces privatifs ont tous été rejetés.

 

5 : Violences contre un policier : pas de réduction de peine

Ce sont les dispositions les plus médiatisées. L’article 23, qui vise à automatiser la suppression des crédits de suppression de peine pour les personnes condamnées à des violences ou menaces envers élus, agents de l’administration pénitentiaire, des douanes, de la gendarmerie, de la police nationale ou municipale, des pompiers. Pour la Défenseure des Droits, cela « reviendrait à transposer des règles applicables en matière de terrorisme à des actes et comportements de gravités très inégales » avec pour conséquence notamment de faire « obstacle à l’exercice du pouvoir d’individualisation des peines par le juge ».

C’est encore l’article 24, dénoncé dans de nombreuse tribunes et communiqués émanant de journalistes, d’associations de défense des libertés, d’avocats ou d’usagers des médias, qui envisage de punir « d’un an d’emprisonnement et de 45 000€ d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un agent de la police nationale ou de la gendarmerie nationale autre que son numéro d’identification individuel lorsqu’il s’agit dans le cadre d’une opération ».

Ces articles symbolisent à eux seuls le déséquilibre d’un texte ultra-sécuritaire qui soulève, comme s’en est inquiétée la Défenseure des droits, « des risques considérables d’atteinte à plusieurs droits fondamentaux, notamment au droit à la vie privée et à la liberté d’information ». On assiste au passage d’un cap sécuritaire historique : toujours plus de surveillance, plus de moyens et de pouvoirs pour la police et consorts, dans des proportions et à un rythme jamais égalé. Ces dispositifs de surveillance et de reconnaissance faciale permettront à l’État de constituer des fichiers et donc de mieux contrôler les opposant·es, les manifestant·es. On risque de voir s’accroître les gardes à vue « préventives », les interdictions de manifester. Un pas supplémentaire vers la privatisation des pouvoirs régaliens essentiels de l’Etat, la sécurité, selon une logique libérale.

Pour la FSU, une police républicaine au service de la population ne doit rien avoir à cacher, et le droit à l’information respecté. C’est l’exigence démocratique, corollaire d’apaisement, qui doit prévaloir c‘est à l’amélioration des conditions de vie, à la résorption des inégalités, à la fin des discriminations, au renforcement et à l’accès aux droits sociaux, à l’éducation, à la culture…qu’il faut s’attacher.