Monsieur le Préfet,

Nous avons été interpelés sur la situation de Patrick Tiagoné, que nous avions accompagné déjà dans ses démarches, face à une administration qui l’avait initialement mise en difficulté. Nous dénoncions à l’époque la précarité dans laquelle l’avait placée l’administration, qui n’assumant pas ses besoins en personnels non-titulaires, n’avait pas accompagné Patrick Tiagoné dans les démarches attendues.

Depuis, la situation de Patrick Tiagoné a été régularisée et il a pu mener une vie à peu près normale grâce aux autorisations de travail et titres de séjour qui lui ont été accordés.

Aujourd’hui, Patrick Tiagoné se retrouve de nouveau mis en difficulté au prétexte qu’il n’aurait pas de travail. L’arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire fait ainsi le constat suivant : « Considérant d’autre part que si Monsieur Gervais TIAGONE fait valoir qu’il a réussi le CAPES- CAFEP externe rénové d’Allemand ; cette circonstance ne saurait être regardée, par principe, comme attestant, par là-même, des  » motifs exceptionnels  » exigés par la loi ; que si Monsieur Gervais TIAGONE a exercé récemment en qualité de maitre contractuel de l’enseignement privé en période probatoire, il ne présente pas de nouvelle demande d’autorisation de travail en ce sens qui serait visée par les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, ni ne justifie d’avoir accédé à un emploi de titulaire ; que ces éléments ne sont pas de nature à l’existence d’un motif exceptionnel de régularisation pour la délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou  » travailleur temporaire, au sens de l’article L313-14 du CESEDA ».

Cet état de fait est essentiellement lié à son statut professionnel particulier (de contractuel de l’Éducation nationale, puis lauréat au CAPES-CAFEP, donc de stagiaire en attente d’une éventuellement titularisation en tant qu’enseignant) qui ne lui a pas permis dans cette période de fin d’année scolaire puis de vacances scolaire d’avoir une lisibilité sur son avenir professionnel, notamment par rapport à une échéance administrative fixant le terme de son autorisation à la fin du mois d’août 2016.

Aussi, serait-il légitime de notre point de vue d’offrir au moins un délai qui permettrait à Patrick Tiagoné de trouver un travail afin de pouvoir répondre aux exigences formulées.

Par ailleurs, sur le plan humain, cette décision nous apparaît assez peu compréhensible.

Patrick Tiagoné vit depuis 2010 en France, et s’est installé à Millau ; il a manifesté son désir de travailler pour la France à travers ses interventions dans l’Éducation nationale ; il a des attaches familiales en France ; les mouvements de soutien dont il a été l’objet témoignent également de son intégration.

C’est pourquoi on peut que n’être surpris par l’analyse produite dans l’arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire fait l’analyse suivante : « Considérant […] qu’il apparait que Monsieur Gervais TIAGONE pourrait être réadmissible en Allemagne pour peu qu’il choisisse de résider à proximité de sa fille Alicia qui est mineure ; que Monsieur Gervais TIAGONE n’est donc pas dépourvu de liens privés et familiaux intenses dans cet État, où il a passé 15 années de sa vie et où peut donc se reconstituer sa cellule familiale ; que si deux sœurs françaises et un frère de nationalité ivoirienne sont en France, la mère de Monsieur Gervais TIAGONE réside en Côte d’Ivoire et Monsieur Gervais TIAGONE n’est pas non plus dépourvu d’attaches dans son pays d’origine ; qu’ainsi, sa cellule privée et familiale peut se reconstituer hors de France ; ». En effet, si le passage évoque un certain nombre de possibilités, à aucun moment celles-ci ne prennent en considération le choix de vie de Patrick Tiagoné, qui se voit refuser de continuer de vivre comme il avait commencé à le faire ; ces possibilités, ce sont des choix forcés, l’administration préemptant les choix affectifs envisageables.

La raison humaniste doit avoir ses raisons que la raison administrative ne devrait pouvoir ignorer et on a du mal à comprendre qu’on ne propose d’autre choix que « d’aller voir ailleurs » à quelqu’un qui a montré qu’il pouvait apporter sa contribution à notre pays et qu’il souhaitait vivre dans notre pays.

C’est pourquoi, nous vous remercions par avance donc de bien vouloir accorder un regard particulier sur cette situation qui nous semble particulière.

Nous vous prions de bien vouloir recevoir l’expression de nos salutations respectueuses

Source: fsu12