Ce CDEN de préparation de rentrée se tient dans contexte bien particulier : il est celui évidemment de prochaines élections présidentielles dans le cadre desquelles se voient proposés différents projets politiques qui ne manqueront pas d’avoir des conséquences sur l’Éducation. Nous ne rentrerons pas ici dans les détails de ces projets, mais pour beaucoup ils ont en commun de s’appuyer sur des analyses qui ne sont pas partagées par ceux qui ont vocation à mettre en œuvre sur le terrain le projet éducatif, ce qui renvoie à une rupture profonde entre ceux qui décident et ceux qui font l’éducation au quotidien. Ce qui est un constat plus qu’inquiétant, mais malheureusement pas complétement nouveau… On prendra d’ailleurs un exemple local de cette tendance à faire du dialogue social une expression vidée de son sens au lieu d’être l’expression d’un échange réel, dans lequel le point de vue des professionnels serait écouté, mais aussi entendu et pris en considération. Cet exemple, c’est celui de la toute récente convention – cadre qui vient d’être signée entre le Rectorat, l’Inspection d’Académie, et le Conseil départemental : nous aurions aimé ne pas découvrir les quelques orientations stratégiques évoquées à travers quelques lignes d’un article de presse. Et nous osons même penser que nous aurions eu à porter quelques analyses pertinentes fondées sur une expertise de terrain qui aurait pu nourrir diagnostic et perspectives permettant de définir ces orientations stratégiques…

L’autre élément de contexte important est que ce CDEN est celui de la première année de mise en œuvre de la réforme du collège, réforme qui n’est ni plus ni moins qu’un symptôme de la rupture précédemment évoquée. La réforme du collège a été analysée, contestée, combattue, et jamais validée par la majorité des personnels qui en voyaient assez clairement tous les dangers.

Nous reprendrons ici des considérations déjà développées à l’occasion d’un CTSD, mais nous pensons qu’il est crucial que les membres du CDEN, dans leur diversité, entendent le constat qui est fait.

Et aujourd’hui, le constat est lourd : c’est celui d’un mal-être enseignant croissant et inédit ; c’est un malaise et une souffrance dont plusieurs conséquences ont été miss sur le devant de la scène médiatique. Les medias se sont ainsi fait écho du nombre d’enseignants stagiaires démissionnaires qui a doublé, au niveau national, en 4 ans. Dans notre académie, et pour cette année scolaire, ces démissions ont atteint dès janvier le même niveau que celui constaté en fin d’année scolaire dernière. En décembre, une enquête de la DARES a montre que les enseignants sont en moyenne plus touchés par les RPS que les autres catégories d’agents publics de même niveau de formation. Oui, cette réforme a été perçue comme une profonde atteinte à la professionnalité des personnels enseignants et elle se concrétise sur le terrain comme une réelle dégradation des conditions de travail. Il suffit d’énumérer : réduction des horaires d’enseignement et fragilisation des disciplines ; changements de programmes sur l’ensemble des niveaux du collège et modification du DNB ; prescription aveugle et souvent autoritaire de bonnes pratiques à l’efficacité contestée ; complexification de l’évaluation qui a miné toute réflexion, par ailleurs nécessaire, sur le sens et les modalités de l’évaluation et conduit à des bulletins absurdes devenus illisibles pour les élèves comme les familles ; multiplication des réunions de concertation à l’efficience limitée.

On pourrait penser que ce constat ne concerne que les personnels : mais c’est ne pas voir que derrière, ce sont des élèves qui sont pénalisés. Le manque de lisibilité, la perte de repère, les dispositifs pédagogiques conduiront à une aggravation des inégalités, les élèves en situation de fragilité ou de difficultés ne trouvant pas là les conditions pédagogiques d’une remédiation à leur problème.

Pour ce qui est des moyens départementaux, puisque c’est un point précis de l’ordre du jour, pour la rentrée des prochaines, la dotation départementale et sa ventilation conduisent à ce que ¼ des collèges aient au moins deux niveaux concernés par des effectifs supérieurs à 27 ; 60 % auraient au moins 1 niveau concerné par des effectifs supérieurs à 27. La moitié des établissements verraient leur H/E stagner ou diminuer, constat qui confirme que la réforme du collège n’améliore aucunement structurellement les conditions d’apprentissage des élèves. A cela, il faut ajouter la problématique de l’inclusion puisque aux effectifs classe s’ajoutent sur une partie importante de l’emploi du temps des élèves relevant des dispositifs SEGPA, ULIS ou UPE2A : l’inclusion dans ces conditions ne permet pas une prise en charge efficace des élèves qui ont des besoins spécifiques, ce qui crée de la souffrance chez les élèves comme chez les enseignants qui ont vocation à remédier aux difficultés des publics qui leur sont confiés, mais ne peuvent pas toujours fournir l’accompagnement plus individualisé et qualitatif aux élèves inclus.

Nous l’avons dit, le tableau est noir ; dans ces conditions, le désabusement s’ancre de plus en plus dans la profession, même dans un département comme le nôtre, qui n’est pourtant pas le plus confronté aux difficultés sociales. Les chiffres au niveau national sont d’ailleurs éloquents : l’enquête de la DARES précédemment citée a fait apparaître que 44% des enseignants déclarent ne pas se sentir capables de faire ce métier jusqu’à la retraite.

Pour revenir à la question des conditions d’enseignement, on aurait pu circonscrire ce tableau à la situation du collège mais ce serait oublier que la réforme du lycée, fondée sur le même principe d’une autonomie induisant la mise en concurrence des disciplines, a conditionné depuis longtemps la même insatisfaction. Comme elle a également favorisé une augmentation des effectifs par division (notamment sur le niveau seconde) et donc une dégradation des conditions d’enseignement que tous les enseignants de lycée déplorent depuis plusieurs années.

Nous ne pouvons pas laisser penser aujourd’hui qu’il n’est pas nécessaire de recréer des postes : ce serait être tout simplement coupé de la réalité des établissements scolaires et sourd face aux interpellations actuelles de tous les acteurs éducatifs. Dans un contexte de crise économique et sociale, l’investissement dans l’éducation est primordial : une véritable ambition pour l’École ne peut exclusivement reposer sur l’engagement au quotidien des professionnels de l’éducation. Il faut leur donner des moyens… et pour cela les écouter !

Source: fsu12