Cet article est tiré de l’article de Médiapart, de notre camarade de la FSU72, Julien Cristofoli

https://blogs.mediapart.fr/julien-cristofoli/blog/180324/choc-des-savoirs-macron-et-attal-appliquent-les-mesures-du-rn-et-de-reconquete

Dans la nuit du 16 au 17 mars 2024, un arrêté daté du 15 mars 2024 a été publié au Journal officiel.

Il s’inscrit dans une série de mesures, incluant la conditionnalité de l’accès au lycée à l’obtention du Diplôme National du Brevet (DNB), l’instauration de groupes de niveaux et la mise en place d’un salaire au mérite.

Ces décisions marquent l’application, au sein de l’école publique, des visions réactionnaires et déclinistes associées à l’extrême droite, notamment au Rassemblement National et à Reconquête.

Les groupes de niveaux

Illustration 1Arrêté du 15 mars 2024Dans son programme pour la présidentielle de 2022, M. Éric Zemmour, condamné à de multiples reprises pour incitation à la haine raciale, présente les choses ainsi :

Illustration 2Programme de Reconquête ! Groupes de niveaux

La mesure emblématique du choc des savoirs pour le collège, portée par le Premier Ministre, est donc un véritable copier-coller de la proposition d’un candidat raciste et xénophobe.

Sur les cours d’écoles comme de collège, l’inquiétude des élèves est considérable et bien réelle. Nos élèves le disent sans détour : « Je ne veux pas être dans le groupe des nuls ! »

Dans les salles des professeurs, la colère côtoie l’écœurement. L’imposition des groupes de niveaux est vécue comme une négation de tout ce que les personnels tentent de faire au quotidien dans leur classe, en œuvrant à la coopération et à l’entraide, s’appuyant précisément sur la diversité des élèves.

Le projet de société est au cœur de la mission de l’École. Or, que nous disent Gabriel Attal et Éric Zemmour avec leurs groupes de niveaux ?

Que leur projet de société repose précisément et fondamentalement sur les inégalités et qu’il s’agit pour eux de les amplifier, afin que les meilleurs ne soient pas « tirés vers le bas » par les « mauvais élèves ».

Les groupes de niveaux marquent donc bel et bien un tournant dans les réformes en cours. C’est en ce sens qu’il faut comprendre la profondeur et l’ampleur de la colère dans les collèges, colère qui a gagné jusqu’aux chefs d’établissements, révulsés à l’idée de mettre en œuvre une mesure contraire à l’éthique de tout éducateur.

Classe prépa-lycée

« Dès la rentrée 2024, le brevet permettra d’attester du niveau suffisant pour poursuivre en classe de 2nde. A la rentrée 2025, un dispositif Prépa-lycée sera mis en place pour permettre une remise à niveau pour les élèves n’ayant pas obtenu le brevet, avant un passage possible en 2nde »
Ministère de l’Education nationale, 5 décembre 2023 (Dossier de presse)

Dès 2025, le DNB conditionnera l’accès au lycée et de fait, interdira tout passage en seconde.

Les élèves de troisième dont le conseil de classe a acté le passage en seconde, mais qui auront échoué au DNB, rejoindront une classe « prépa-lycée » dans le lycée où ils auront été affectés.

Sorte de « transition » entre le collège et le lycée, cette classe serait prise en charge par des enseignants du lycée sur un programme spécifique. Presque 100 000 élèves pourraient être concernés, au regard des taux actuels de réussite au DNB !

Là encore, les masques tombent totalement. Cette mesure va tenir le rôle d’un véritable piège au détriment des élèves fragiles ou traversant une ou des difficultés. 100 000 jeunes qui seront autant de main-d’œuvre corvéable à merci, puisque orientés vers des filières courtes, voire directement placés en apprentissage… Avec toutes les limites que cela engendre, à commencer par une formation au rabais, une remise en cause du droit de s’émanciper par les savoirs et la culture et la mise en place d’une nouvelle trappe à bas salaire, venant faire pression sur les revendications des salariés…

Salaire au mérite pour les enseignant·es (et tous·tes les fonctionnaires)

« Le principal critère d’avancement et de rémunération devra être, à côté de l’ancienneté, le mérite. En tout cas davantage qu’aujourd’hui »
Emmanuel Macron, conférence de presse du 16 janvier 2024

Le mérite est une construction sociale et politique qui sert, à l’école comme dans le monde du travail, à justifier les inégalités, qu’elles soient économiques, sociales, culturelles, et scolaires. En effet, dans la logique de la méritocratie, les riches méritent donc de l’être. Ils ont « bien travaillé à l’école », ont passé des diplômes, etc. Ce que l’on oublie trop souvent, c’est la résultante d’une telle logique. Si les riches méritent, cela sous-entend, voire cela justifie, que les pauvres aussi « méritent » leur situation. Ainsi, transposé aux métiers, cette logique vise surtout à mettre en place des mécanismes implacables de concurrence. Ces mécanismes ont une utilité majeure que l’on connaît dans le monde du salariat privé : ne pas augmenter les salaires. Car, la mise en concurrence des personnels permet de détourner les agents de revendications communes et les pousse à jalouser l’autre, celui qui a eu l’augmentation « à notre place »… Tout en ne voyant pas que si tout le monde est « méritant », le système en place ne permet pas d’augmenter tout le monde. Ce qui est injuste par essence.

Comment agit le macronisme ?

Depuis 2017, et encore plus depuis 2022, les enseignants sont témoins dans leurs classes des conséquences terribles pour leurs élèves des mesures socio-économiques prises contre toutes celles et tous ceux qui ne sont pas « premiers de cordée » :

  • la réforme de l’assurance chômage,
  • la réduction des allocations logement,
  • la révision du RSA…

Se met en place, sous nos yeux, une société où les difficultés des plus précaires, déjà immenses et insupportables, mais aussi d’une part croissante des classes moyennes, sont exacerbées et justifiées par le prétendu ruissellement.

Ces chocs contre la population s’accompagnent de mesures au seul bénéfice des plus aisés :

  • allégements fiscaux pour les entreprises,
  • suppression de l’impôt sur la fortune,
  • flexibilité accrue du marché du travail.

Tout cela ne fait, au final, que servir les intérêts des plus riches et les puissants. Démonstration dans la vidéo de Blast.

« Dire non ne suffit plus ! »

C’est ce qu’écrivait déjà Naomi Klein en 2017 dans son livre éponyme.

Le choc des savoirs s’inscrit dans la stratégie du choc commune aux pouvoirs illibéraux qui ont sévi au Brésil (Bolsonaro) et aux USA (Trump) ou sévissent tant en Russie (Poutine), qu’en Israël (Netanyahou), qu’en Hongrie (Orbán), qu’en France (Macron) et ailleurs.

Évidemment, il existe des variantes et des degrés dans cette violence illibérale… Mais force est de constater que chaque jour, profitant du sentiment (fallacieux) que rien ne peut changer, ces pouvoirs poursuivent leur entreprise de dévastation de nos droits… Pour leur seul bénéfice d’une poignée d’ultra-riches. Jusqu’à quand allons-nous accepter cela ?

Agir pendant qu’il est encore temps…

Que ce soit en 2018 avec les gilets jaunes, il y a un an avec les retraites ou récemment avec la mobilisation du monde paysan, on voit que le Macronisme est un extrémisme… Qui est prêt à tout pour se maintenir au pouvoir.

Un extrême centrisme destructeur :

  • des droits sociaux,
  • des libertés fondamentales, à commencer par celle de manifester,
  • de l’environnement et d’une agriculture durable et seine,
  • des services publics en général,
  • de l’accès au soin,
  • de l’accès au logement,
  • de l’accès à l’Éducation.