L’Etat a été condamné, mardi 2 décembre, à payer un euro symbolique pour avoir tardé à organiser les séances d’information et d’éducation à la sexualité à l’école, prévues par une loi de 2001, a annoncé le tribunal administratif de Paris dans un communiqué.
Saisi par le Planning familial, le Sidaction et SOS Homophobie, le tribunal a néanmoins jugé qu’un arrêté et une circulaire de février avaient « fixé » et « précisé » la mise en œuvre des programmes d’éducation à la vie affective et relationnelle et à la sexualité, de sorte qu’il n’est « pas établi que le comportement fautif » de l’Etat perdure.
Le tribunal administratif « constate que l’Etat a, jusqu’en février 2025, manqué à son obligation d’organiser les séances d’information et d’éducation à la sexualité » prévues par la loi de 2001.
Il rappelle qu’une « information et une éducation à la sexualité doivent être dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées, à raison d’au moins trois séances annuelles, par groupes d’âge homogène ». Mais, selon le tribunal, cette mission n’a « pas été assurée de façon systématique », et « le ministre chargé de l’éducation nationale n’avait pas prévu, dans un délai raisonnable (…) les mesures propres pour en assurer l’effectivité ».
Le ministère s’est défendu en faisant valoir notamment « la sensibilité du sujet et les controverses qu’il suscite », peut-on lire dans le jugement, qui balaie cet argument et conclut que ces « obstacles allégués » ne sont pas de nature à « exonérer l’Etat de sa responsabilité ».
Cette carence constitue « une faute », selon le tribunal, qui a condamné l’Etat à payer un euro symbolique, réclamé par les associations, « en réparation de leur préjudice moral ».
« Une victoire majeure »
La loi de 2001, contestée par une partie de la droite et des milieux conservateurs, a été précisée en février 2025, avec la publication officielle d’un programme d’éducation à la vie affective et relationnelle et à la sexualité (Evars) qui prévoit un apprentissage en plusieurs étapes : une éducation à la vie affective et relationnelle pour l’école maternelle et l’école élémentaire, et une éducation à la vie affective et relationnelle et à la sexualité pour le collège et le lycée.
Le tribunal a relevé que l’arrêté du 3 février « avait fixé » les programmes et que la circulaire du 4 février avait « précisé les modalités » de mise en œuvre de ce programme. Selon le tribunal, l’Etat a donc pris des mesures « propres à assurer la mise en œuvre effective » de sa mission d’information et d’éducation à la sexualité. Le tribunal a ainsi suivi l’avis du rapporteur public.
Le jugement de mardi « constitue une victoire majeure » et « confirme ce que nos associations documentent depuis des années : une politique publique insuffisante, sans pilotage, sans formation adéquate, et largement ignorée dans les établissements scolaires », ont salué dans un communiqué commun le Planning familial, SOS Homophobie et le Sidaction. Ils déplorent néanmoins que le tribunal ait rejeté leur demande d’injonction visant à contraindre l’Etat « à appliquer pleinement la loi ». « La non-application persiste », écrivent-elles, assurant que « moins de 15 % des élèves bénéficient des séances obligatoires ».
Déploiement des programmes « en cours »
En 2021, un rapport de l’inspection générale de l’éducation avait admis que l’objectif de la loi « n’[était] à l’évidence pas réalisé ». « Il y a des générations entières qui n’ont pas pu en bénéficier et on voit aujourd’hui les résultats en termes de violences faites aux femmes, de LGBTphobies et d’accès aux droits et à la connaissance de son corps », a réagi auprès de l’Agence France-Presse (AFP) Sarah Durocher, présidente du Planning familial.
Selon Hélène Roger, directrice analyses et plaidoyer de Sidaction, le « manque d’information » sur la sexualité fait que les « jeunes vont chercher des réponses où ils peuvent, notamment sur Internet et sur les réseaux sociaux, où ils peuvent être exposés à des discours masculinistes dangereux ». « Ces vingt-quatre ans d’action manquée ont causé du tort à ces générations d’élèves », a regretté Julia Torlet, présidente de SOS Homophobie. « On reste méfiant, il va falloir des moyens, des formations. »
« Le tribunal considère que la situation actuelle (…) est satisfaisante, mais qu’elle ne l’a pas été par le passé. L’action engagée depuis début 2025 démontre la détermination de l’Etat à garantir pleinement ce droit essentiel pour tous les élèves », a réagi, sollicité par l’AFP, le ministère de l’éducation nationale. Ce dernier affirme que le déploiement des programmes est « en cours », avec une « formation des personnels dès le printemps », et promet un « suivi » afin notamment de « mesurer le nombre de séances effectuées » par les élèves et une « évaluation complète » en fin d’année.
AVEYRON