Madame la Présidente,
Monsieur le Directeur,
Cher.e.s collègues,
Même si la crise sanitaire semble être dernière nous, ses conséquences sociales et en termes de formation, notamment dans l’éducation, sont bien présentes.
Le gouvernement se sert de cette crise pour amplifier la mise en œuvre de réformes néolibérales qui creusent les inégalités de toutes sortes. La pauvreté continue à augmenter dans notre pays, le chômage des jeunes, autour de 20 %, reste élevé et le nombre de NEET est supérieur à son niveau d’avant crise avec 1 million 500 mille en 2020, soit presque 13% des jeunes de 15 à 29 ans selon l’INSEE.
Alors qu’aujourd’hui en pleine reprise économique, dans de multiples secteurs, la France souffre d’un manque évident de main-d’œuvre, à quoi donc ont servi la réforme « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » et le transfert de l’offre de formation par apprentissage aux branches professionnelles, les 15 milliards du Plan d’investissement dans les compétences (PIC) ou encore le plan « 1 jeune, 1 solution » et ses presque 10 milliards d’aides versées aux entreprises pour l’embauche gratuite d’alternant.e.s ?
Cette situation est de la responsabilité du gouvernement qui a fait clairement le choix du développement des organismes de formation privée et de l’alternance. Ainsi, pour répondre en urgence au besoin de main-d’œuvre, Jean Castex a annoncé la généralisation de l’aide à l’embauche des chômeur.e.s de longue durée en contrat professionnel et le développement des préparations opérationnelles en emploi (POE) pour des jeunes diplômé.e.s. Là encore les demandeur.e.s d’emploi seraient mis en situation de travail en attendant d’être embauché.e.s, sans réelle formation et à moindre coût pour l’entreprise.
Que dire des propos du premier Ministre concernant l’École sur la « nécessité d’engager avec le ministère de l’Éducation » un travail sur l’image des métiers et la question de l’orientation professionnelle afin « de fortement progresser en la matière ». Faut-il rappeler que l’information aux métiers est une compétence qui a été décentralisée aux régions en 2018 ? Et que le rôle premier de l’École n’est pas d’alimenter les secteurs en tension.
Nous le savons, la véritable solution consiste à revaloriser les conditions de travail et les salaires des métiers concernés. La FSU exige de conditionner les aides publiques aux entreprises et des bilans sérieux, objectivés, de l’argent public dépensé. Pour s’attaquer à la racine des problèmes, il est urgent de mettre en place des formations professionnalisantes et qualifiantes, solides, dispensées dans des établissements publics et contrôlées par les pouvoirs publics.
A l’ordre du jour de ce CSE, la mise en avant comme modèle pédagogique des « Ecoles de production », établissements techniques privés hors contrat, où le jeune est avant tout mis en situation de travail en entreprise, est tout à fait symbolique des orientations prises par ce gouvernement. La FSU votera contre leur reconnaissance. L’ensemble des jeunes qui désire apprendre un métier à la sortie du collège doit pouvoir trouver une place en lycée professionnel dans le service public d’Éducation.
La FSU alerte sur l’indigence des moyens et le manque de reconnaissance des membres des équipes pluriprofessionnelles (AS, infirmières, PsyEn…). Les indicateurs concernant le mal-être des enfants et adolescent.e.s n’ont jamais été aussi inquiétants. La protection de l’enfance et la prévention des violences faites aux enfants demeurent plus que jamais essentielles. Le constat lors de cette rentrée est dramatique : multiplication des agent.e.s en situation de souffrance professionnelle, perte d’attractivité notamment pour le service social, sentiment exacerbé de perte de sens. Ce n’est pas l’annonce de la transformation de 50 postes d’enseignant.e.s en postes d’assistant.e.s de service social ou d’infirmières qui permettra de régler les difficultés, en plus d’ajouter de la confusion dans les missions et compétences respectives.
Pour le 1er degré, il est indispensable que le prochain budget comporte les moyens de s’atteler aux conséquences pédagogiques de la crise sanitaire, car ses effets seront durables. Il faut une baisse des effectifs dans toutes les classes, des postes de RASED (il en manque 6800 pour couvrir tout le territoire), des postes de Plus-de-maîtres-que-de-classes, des postes de remplaçant.e.s.
La FSU constate d’une part, que la politique du ministère qui consiste à recentrer les moyens sur le seul dédoublement de certaines classes en éducation prioritaire, sans augmentation globale des moyens sur l’ensemble du système, revient à laisser pour compte les élèves des familles populaires qui ne sont pas en Éducation prioritaire.
Par ailleurs, alors que va se tenir cet après-midi un groupe de travail sur la direction d’école, la FSU rappelle que la proposition de loi Rilhac votée en deuxième lecture à l’Assemblée Nationale, ne répond en rien aux besoins des directeurs et directrices d’école. En créant un emploi fonctionnel, on ouvre la porte à la mise en place d’un statut hiérarchique dans les écoles qui en bouleverserait le fonctionnement. Les moyens nécessaires au bon fonctionnement de l’école sont les grands absents de ce texte.
L’attribution d’une aide administrative, tant attendue par les directeurs et directrices, est noyée dans une coresponsabilité de l’État et des collectivités, présageant un renforcement des disparités territoriales. Quant aux décharges, elles seront fonction « du nombre de classes » mais aussi des « spécificités de l’école ». Une résonance très forte avec l’expérimentation marseillaise et une gestion contractualisée, au cas par cas, qui rompt avec les principes d’égalité qui régissent normalement l’institution.
Enfin, la FSU s’interroge sur les expérimentations d’évaluation d’écoles qui commencent dans certains départements. Alors qu’après un an et demi de crise sanitaire, les équipes ont besoin de temps et de moyens pour faire réussir les élèves, on leur propose de remplir des grilles d’évaluation telle une nouvelle « usine à gaz » au service de l’institution et dont on peine à en comprendre l’utilité.
La FSU dénonce la mise à mal de l’éducation prioritaire avec la multiplication des expérimentations locales comme les CLA, TER ou cités éducatives. L’éparpillement des dispositifs pour mieux contourner la prise en compte de critères sociaux et scolaires, qui permettent plus de moyens aux établissements en REP ou REP+, se confirme avec l’intégration d’établissements privés catholiques à l’expérimentation des CLA dans les trois académies où elle est menée. La FSU condamne cette initiative du ministère qui détourne, au profit d’un réseau privé confessionnel, des moyens jusqu’ici attribués au service public, seul réseau où l’école est gratuite et laïque.
Alors que les équipes des lycées sont actuellement sommées de produire un PLE (projet local d’évaluation), les injonctions et prescriptions des IPR pleuvent sur les collègues. La FSU demande l’abrogation du PLE, qui loin de recréer de l’égalité entre élèves, dérive déjà vers un contrôle continu du travail des enseignant.e.s. La suppression des épreuves nationales, terminales et anonymes du bac a renforcé les sélections inégalitaires de Parcoursup basées toujours plus sur la réputation du lycée d’origine.
Le ministère serait bien inspiré de tirer les enseignements de son sondage mené auprès des jeunes bachelier.e.s : 82 % jugent la plateforme « stressante » et 61 % estiment qu’elle n’est pas « juste » et ne traite pas tou.te.s les candidat.e.s de la même manière.
L’annonce de la suppression de l’inspection générale, aux détours de changements statutaires, est un mauvais signal pour retrouver une administration plus transparente de notre ministère. Le risque est grand d’asservir les missions des inspectrices et inspecteurs généraux aux volontés immédiates du gouvernement, ce qui se fera immanquablement aux dépens de l’intérêt général et des missions de service public.
Une telle évolution convergerait avec des pratiques déjà inquiétantes comme le fait de ne publier que les rapports qui satisfont le ministère ou encore d’écarter les organismes qui produisent des avis non conformes à ses attentes (CNESCO, Observatoire de la laïcité). La FSU réaffirme la nécessité d’indépendance des services et organismes chargés d’expertiser et évaluer le service public.
La précarisation touche l’ensemble du salariat et cela commence par les jeunes. L’Éducation nationale n’y échappe malheureusement pas. Ainsi, la « réforme » de la formation des enseignant.e.s et des CPE imposée à une profession qui la rejette unanimement, fait de la précarité une voie d’entrée normale dans le métier. C’est un obstacle important à l’attractivité des métiers de l’enseignement et cela pose de nombreuses difficultés aux étudiant.e.s, tout en faisant porter une partie importante du coût de la formation sur les étudiant.e.s, avant le concours.
Le nombre d’étudiant.e.s en alternance effectivement recruté.e.s est bien en deçà̀ de ce qui était prévu. La FSU y voit aussi l’effet de la faiblesse de leur rémunération. Il est dès lors inadmissible que cette réforme contribue de surcroît à leur paupérisation par les frais de déplacement qu’elle occasionne et qui s’ajoutent aux frais d’inscription en M2 et à la CVEC ! Puisque l’établissement est un lieu de formation, nous demandons que les étudiant.e.s en alternance soient défrayé.e.s de leurs déplacements.
La FSU demande un plan d’urgence pour l’éducation et la formation à destination des services publics. Lutter contre le chômage des jeunes nécessiterait aussi d’ouvrir des places aux concours dans tous les métiers des 3 versants de la fonction publique. L’école et l’université doivent prendre toute leur place pour sécuriser les parcours scolaires et professionnels des jeunes, pour élever le niveau de qualification, pour accueillir tous les jeunes sans solution de formation et pour rescolariser tous ceux victimes de rupture de contrats d’apprentissage (38% chez les moins de 18 ans). Le service public de l’éducation a plus que jamais besoin de recrutement de personnels formés à la hauteur des besoins et des enjeux sociétaux.
C’est pour cela que la FSU avec d’autres organisations syndicales, était dans l’action le 23 septembre pour le service public de l’Éducation et hier, 5 octobre, dans un cadre interprofessionnel avec la CGT, FO, Solidaires, FIDL, MNL, UNEF, UNL pour les salaires, pour l’emploi et pour une meilleure protection sociale. C’est aussi pour cela qu’elle continuera à mobiliser l’ensemble des personnels pour montrer que d’autres choix sont possibles.